25 Mai Consensus sur le travail hybride
Ce 18 mai, le journal Les Echos organisait en partenariat avec Adobe une conférence en présentiel (quel plaisir, enfin…) sur le thème du travail hybride. Voici quelques notes sur ces échanges qui ne peuvent hélas par remplacer le plaisir de les avoir vécus en live.
Sens et éthique
En introduction, nous avons eu droit à un interview de Flora Bernard de l’agence de philosophie Thaé, par David Barroux, journaliste aux Echos. Elle nous rappelle que lorsqu’on parle de « connection » cela concerne les machines alors que pour les êtres humains « relation » est plus approprié. Mais les deux années COVID ont beaucoup mis l’accent sur les difficultés de connection, y compris lorsqu’il s’agissait de mettre simplement des personnes en relation.
D’après elle, cette crise et le confinement imposé nous ont montré que travailler c’est autre chose que produire des biens et des services, c’est aussi vivre ensemble. Flora BERNARD revient sur les questions éthiques : ce n’est pas parce que l’on peut que l’on doit le faire. Elle prend des distances avec l’engouement pour le digital. Il faut remettre de la pensée éthique dans la pensée technique (note de l’auteur : je fais souvent remarquer à mes interlocuteurs qu’il y a beaucoup de lettres en commun entre technique et éthique, mais qu’elles ne sont pas placées dans le même ordre….).
Elle milite pour que ne pas supprimer le présentiel. Lors des téléconférences, nos sens de la distance (vue, ouïe) sont exacerbés. Mais nous sommes privés de nos sens de la proximité (odorat, toucher…) Comment appréhender efficacement une situation en étant privé de la moitié de ses sens ?
La philosophe revient aussi sur la double signification du mot hybride. Par ses racines latines, hybridas, on se rapproche des sangs mêlés, des centaures, des sirènes. Des êtres qui ont souvent une capacité extraordinaire pour naviguer entre plusieurs mondes. Mais pour les grecs, hybride est proche d’hubris et ouvre la porte à la démesure.
Difficile de résumer le contenu très dense de ces 15 minutes d’interview mais vous pouvez en retrouver l’intégralité en vidéo via ce lien.
S’organiser et protéger les liens faibles
La seconde table ronde rassemblait plusieurs industriels de différents secteurs d’activités.
Raphaël De CORMIS nous explique que chez Thales la crise COVID a débouché sur plusieurs changements. Un outil avec quelques briques d’intelligence artificielle a même été mis en place pour introduire un peu de chaos et faire en sorte que les collaborateurs continuent à se croiser, se rencontrer, malgré la mise en place du télétravail. L’objectif est d’éviter que les gens présents le lundi ne voient plus que les gens présents ce même jour. Pour cela des jours sont affectés en partie aléatoirement en début de mois et cette organisation facilite le brassage qui était assuré plus naturellement lorsque tout le monde était présent sur site.
Certains espaces ont aussi été réaménagés pour être optimisés en fonction des tâches exécutées. Par exemple les développeurs travaillent dans des lieux aussi silencieux que les grandes bibliothèques parisiennes.
Thales a aussi profité de la baisse de régime dans le secteur aéronautique pour amener les collaborateurs à développer leurs compétences. Le nombre de licences logicielles a été augmenté pour qu’ils puissent se former sur des outils qu’ils n’utilisent pas au quotidien. Le mardi matin est réservé pour une formation sur une discipline adjacente à la sienne afin d’augmenter sa capacité à travailler ensemble.
Pour Anne GRJEBINE, d’Air France, si les liens forts sont toujours présents, la crise COVID a hélas mis en danger les liens faibles, qui ont fortement diminué. Il s’agit de les stimuler pour les retrouver car c’est par ces liens faibles que passe la capacité d’innovation.
Romain HERBEAU, d’Adobe fait un constat un peu similaire. Aux USA l’hybridation n’existe plus car, dans de nombreuses entreprises, les salariés ne viennent plus du tout au bureau. Pour les processus classiques de production, la maintenance des softs, cette distance ne pose pas de problème. Par contre la plupart des entreprises constatent que la créativité est en baisse lorsque les réunions ne se font plus qu’à distance.
Chez Pôle Emploi, Gabrielle SARRAZIN nous explique que le télétravail généralisé pendant une longue période a mis en avant l’importance de la confiance, la nécessité de faire évoluer les méthodes de contrôle du travail. Le projet de management par la confiance en cours de déploiement va définir des méthodes pour accompagner les collaborateurs et les manageurs dans ces changements de posture. (voir aussi le billet sur confiance et numérique). Chaque mois une journée blanche est organisée : les visioconférences sont ce jour là interdites partout dans l’entreprise.
Pour Benoit SERRE, la crise a montré aux entreprises que leur fonctionnement pouvait être plus fluide que le système qui s’était mis en place au fil des ans. Mais l’hybride doit être organisé, cela ne peut pas être l’open bar. D’ailleurs, chez l’Oreal, le full télétravail n’est pas envisagé : le collectif est trop important. Les entretiens d’évaluation, en particulier, doivent obligatoirement se dérouler en présentiel.
Pour le responsable de l’ANDRH, la progression du télétravail se fera plus par le nombre de métiers concernés que par le nombre de jours. L’enquête commandée au BCG a ainsi montré que même les hôtesses de caisse pourraient avoir droit à un jour de télétravail par mois dans un grand groupe du CAC40. Il souligne aussi que le code du travail, si épais en France, n’a pas été écrit pour le travail hybride. Ce qui rend encore plus difficile la nécessaire hybridation des compétences.
Au fil de ces échanges un vrai consensus se dégage pour prendre le temps d’organiser le télétravail et le travail hybride, ne pas foncer yeux fermés vers la multiplication des outils digitaux, redonner du sens au travail et retrouver le plaisir du travailler ensemble. Autant de points sur lesquels un diagnostic comme celui proposé par LeDIAG peut vous aider à progresser !
Aucun commentaire