TechLash

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Faut-il résister aux outils numériques ou au contraire les développer ? Si le terme techlash est relié à la première option, en tant qu’ingénieur il m’est difficile de ne pas me laisser tenter par la seconde. D’ailleurs, l’outil LEDIAG proposé sur ce site n’est-il pas une solution numérique pour cartographier de façon participative l’atmosphère managériale de votre organisation ? Mais ceux qui le connaisse bien savent que cet outil a aussi été conçu pour détecter le mauvais digital ! Car oui, l’empilement des outils digitaux en entreprise créé parfois plus de stress que de bonheur au travail.

Je vous propose aujourd’hui d’explorer de façon plus large les arguments pour et contre le développement du numérique.

Pour

Dans la santé les apports du numérique sont omniprésents. A part le stéthoscope, qu’est ce qui n’est pas numérique dans le cabinet de votre docteur ? Même les thermomètres et les balances le sont devenus. Et certains examens numériques, comme les échographies, sont même obligatoires en France. Quel malade refuserait le scanner qui va permettre de mieux cerner sa tumeur ?

Dans l’industrie, la conception assistée par ordinateur a permis aux constructeurs automobiles de faire baisser le coefficient de traînée, le fameux CX. Nos véhicules contiennent maintenant tellement d’équipements électroniques que certaines usines ont dû fermer lorsque les puces provenant d’Asie se sont faites plus rares. Un consensus se dégage aussi pour dire que pour être rentables demain les usines doivent toutes évoluer vers l’industrie 4.0.

A titre plus personnel, comment imaginer aujourd’hui d’organiser un voyage sans faire appel à Internet. Certes, j’aime bien ressortir les cartes Michelin mais je ne me déplace plus sans avoir auparavant utilisé un site en ligne pour être certain de savoir où dormir. Le numérique nous permet aussi de communiquer tellement plus facilement. Je pense évidemment à Internet sur lequel vous êtes en train de lire ce billet. Mais qui se souvient du temps des téléphones analogiques. Il fallait attendre 20 heures pour payer moins cher l’appel à sa grande mère en province ? Sans parler du fameux sketch de Fernand Raynaud sur le 22 à Asnières !

Pour l’ONU, les technologies sont incontournables pour atteindre les fameux 17 ODD (Objectifs Développement Durable). Mais le secrétaire général pointe aussi un risque de fracture importante entre les nations maîtrisant, voire imposant, leurs propres technologies au reste du monde.

Certains, comme Philippe BIHOUIX, centralien ayant popularisé le terme de LowTech, militent pour des développements du numérique, certes, mais centrés sur nos véritables besoins. Ils devraient aussi être plus respectueux des ressources de la planète et se rapprocher du terme de sobriété dont nous parlons beaucoup depuis que les livraisons de gaz russe sont devenus plus rares.

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Contre

Les apôtres, du Techlash, opposés au numérique, utilisent des arguments concernant plusieurs niveaux de logique : individu, société et planète.

Individu

Un être humain est un organisme vivant complexe, dont on connaît mal la sensibilité à certaines ondes. Le niveau individuel concentre essentiellement des craintes concernant la multiplication des ondes et leur influence néfaste sur la santé. Des particuliers refusent l’installation du compteur Linky. Ils sont assistés par différents collectifs dont vous pouvez retrouver la carte en ligne. Des associations militent contre la multiplication des antennes et en particulier la 5G.

Société

La lutte contre le terrorisme aurait pû apparaître dans la liste des « pour » ci-dessus. Mais l’autre face de la médaille est la quasi disparition de la vie privée. Des acteurs comme Matthieu Amiech du Collectif Ecran Total s’opposent à l’informatisation de nos vies dont les GAFA sont devenus les champions. La Quadrature du Net, de son côté, s’attaque plutôt à la généralisation de la reconnaissance faciale.

Un autre aspect sociétal concerne notre cerveau. Pas seulement les ondes qui le traverse mais aussi les idées que l’on y fait entrer, les opinions qu’on lui propose ou lui impose. Tout n’est pas parfait sur ces réseaux et les FakeNews se multiplient, influencant même nos choix démocratiques. Frances Haugen, sait bien de quoi elle parle puisque cette ingénieure travaillait chez Facebook. Or elle vient de lancer l’ONG Beyond the Screen, dont la mission sera d’assainir les réseaux sociaux.

Planète

Les ressources de notre planète ne suffiront jamais à produire assez de batteries et composants électroniques pour que chaque être humain puisse téléphoner avec un Iphone et rouler en Telsa. Certains rêvent de potentiels découplages : les progrès des technologies numériques permettraient à eux seuls de compenser l’exploitation accélérée des ressources planétaires et l’augmentation de l’émission du CO2 proportionnelle au développement économique. Thimothée Parrique, chercheur en économie écologique, reste très sceptique sur cette possibilité. Dans son livre « ralentir ou périr », il cite de nombreux chiffres laissant peu d’espoir à un découplage significatif. Minage de bitcoins, streaming de films en 4K….La course au tout numérique risque donc de rendre la vie sur notre planète de moins en moins agréable. Se réfugier dans le Metaverse ne nous aidera pas à avoir moins chaud ni à respirer un air plus pur…

Avancer autrement ?

Vous l’avez compris, il ne s’agit pas dans ce billet de prendre position pour ou contre le numérique. Mais peut être de remettre au goût du jour la formule de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». De ce point de vue l’éducation nationale en général et les grandes écoles d’ingénieurs ou de management en particulier ont un rôle clé à jouer. Qui d’autre pourrait inculquer aux futurs dirigeants le réflexe d’introduire un minimum d’éthique dans chacune de leurs décisions. Vus les récents épisodes de quasi révoltes lors des cérémonies de remise des diplômes qu’ont connu plusieurs grandes institutions, les enseignements semblent être en retard sur les attentes de la fraction des étudiants les plus sensibles à l’avenir de notre planète.

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