Notre interview d’Isabelle Persoz

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Bonjour Isabelle, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots comment est née la plateforme TousBénévoles.org ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les débuts n’ont pas été faciles. On a réalisé la première version de la plateforme très tôt, au début des années 2000, à un moment où ce n’était pas encore la tendance d’aller chercher ce type de service sur Internet. Les startups poussaient comme des champignons mais on trouvait peu de choses sur le thème de la solidarité. A l’époque, la mise en relation entre bénévoles et associations se faisait donc manuellement. On a pourtant tenu le cap car on était persuadé qu’Internet pouvait fluidifier et faciliter beaucoup de choses dans le milieu associatif.

On a donc continué à faire évoluer l’outil pendant une douzaine d’années en fonction des retours que l’on avait, à la fois des associations et des bénévoles. L’année 2015 a été marquée par une nouvelle dynamique : on a senti que l’engagement était désormais devenu une préoccupation pour une grande part des français. Est-ce les attentats qui ont abouti à cela ? Le fait est qu’aujourd’hui, on a environ 2000 nouveaux bénévoles qui s’inscrivent chaque mois sur TousBénévoles.org et sans doute bien d’autres qui contactent directement les associations visibles sur la plateforme.

Au cours des années, on s’est rendu compte que le site ne fonctionne bien que si l’on accompagne à la fois les associations (en les aidant à présenter leur projet par exemple) et les bénévoles. En plus de la mise en relation qui se fait en ligne, on a donc toute une équipe qui aide associations et bénévoles à trouver chaussure à leurs pieds.

En plus de cette mise en relation, vous avez développé un certain nombre d’offres à destination des entreprises ?

Cela s’est fait un peu par hasard au début. On a été interrogés par plusieurs entreprises et notamment Engie, qui ont souhaité monter deux programmes : un pour leurs jeunes salarié.e.s et un autre pour les retraité.e.s. La personne qui montait ce programme chez Engie est elle-même partie en retraite et a rejoint notre équipe pour monter des projets au sein d’autres entreprises.

Aujourd’hui, vous avez cinq formats de partenariats possibles avec les entreprises. Vous réalisez notamment des journées de solidarité en entreprises.

C’est une idée de teambuilding solidaire. La réflexion est la suivante : au lieu d’emmener ses salariés en séminaire faire du saut à l’élastique, ou dans le cadre de sa politique RSE, l’entreprise va se mobiliser sur une action concrète sur la base du bénévolat. En général, tout part de la proposition d’une personne motivée qui est au sein de l’entreprise et qui va plaire au reste de l’équipe et de la hiérarchie. Les salarié.e.s deviennent alors, pendant une journée entière, des acteurs sur une action concrète : trier des objets, nettoyer un coin de nature, participer à l’organisation d’évènements solidaires, etc. Ce sont en général des expériences assez fortes.

On ne répond pas, bien sûr, à toutes les demandes. Certaines entreprises méconnaissent le fonctionnement des associations, elles s’imaginent qu’en montant un projet à la dernière minute, elles pourront aider l’association. Or, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, il faut partir des besoins de l’association et préparer le projet sur la durée. Il faut surtout éviter que ces projets deviennent une charge à gérer pour l’association. Mais lorsque le projet est bien accompagné, c’est  très positif.

En règle général, on présente plusieurs options d’activités aux entreprises, avec des associations que nous connaissons bien. On a donc un travail de préparation en amont, la journée de solidarité elle-même et un débrief ensuite. On essaye surtout de monter des petites opérations, avec des groupes de 20 salarié.e.s maximum pour que chacun.e puisse s’impliquer.

En quoi est-ce différent des actions de sensibilisation à la solidarité que vous proposez également ?

L’état d’esprit est le même. L’idée lorsque l’on fait une action de sensibilisation, c’est qu’en plus de l’action concrète, on va avoir une présentation poussée de l’association sur le sujet en question (écologie, gaspillage alimentaire, etc.). Par exemple, ça peut prendre la forme d’une matinée ou les salarié.e.s nettoient un sous-bois, un déjeuner comprenant un atelier pour sensibiliser au recyclage et une après-midi dédiée à la fabrication de pain pour pousser à l’éco-consommation. C’est donc un programme plus complet : on sensibilise à des problèmes que les personnes retrouvent dans la vie courante et qui concernent donc tout le monde.

Quels sont les autres formats de partenariats que vous proposez ?

Pour l’instant, nous restons sur des actions courtes de ce type. Les entreprises qui souhaitent aller plus loin peuvent mettre en place notre moteur de recherche sur leur intranet afin que les salarié.e.s aient facilement accès aux différentes demandes des associations.

On est en train de démarrer nos premières actions sur le bénévolat de compétence car il y a une vraie demande de la part de tous les acteurs. On a mis en place par exemple des demi-journées de dialogue entre des jeunes entrepreneurs de quartiers difficiles et des consultants expérimentés pour les aider à démarrer.

Vous avez également des modules de transition pour les retraité.e.s ? Qu’est ce que c’est exactement ?

Toutes les études montrent aujourd’hui que le fait de participer à des actions associatives est très positif pour les retraités en matière de santé, de contacts sociaux, etc. On a donc mis en place un module de formation qui explique la posture et les possibilités aux futur.e.s retraité.e.s.

En effet, on n’imagine pas tout ce que l’on peut faire pour les associations : cela va de la distribution de repas au secourisme en passant par des choses très précises comme la création web, la gestion des réseaux sociaux, etc. Les associations aujourd’hui sont vraiment à la recherche de ces expertises.

Si l’engagement dans une association permet aux retraités de rester actifs, il faut donc bien avoir réfléchi à son projet : qu’est ce qu’on est prêt à faire ? Combien de temps peut-on y consacrer ? On accompagne les retraité.e.s sur ces questionnements et on les oriente vers les bonnes associations en fonction de leurs contraintes et de leurs envies.

Vous semblez compter beaucoup sur le digital (plateforme web, réseaux sociaux, etc.) pour faire connaître les besoins des associations.

Tout à fait. Par exemple, nous avons signé en 2017 un partenariat avec Linkedin et un peu plus récemment avec MétéoJob. Lorsque l’on a de nouvelles missions de bénévolat, on est ainsi capables de les montrer directement sur LinkedIn ou Meteojob aux personnes qui ont ces compétences qui sont intéressées par le bénévolat. Cela nous apporte donc un trafic très qualifié et nous aide à répondre aux demandes des associations de manière précise.

Quelles nouvelles tendances voyez-vous pointer en matière d’engagement ces dernières années ?

La tendance principale est que l’engagement associatif devient un sujet dans l’entreprise. Pendant longtemps, les entreprises considéraient les associations comme des organisations un peu artisanales, pas très fiables. De l’autre côté, les associations voyaient les entreprises comme un milieu de requins, pour caricaturer grossièrement. De part et d’autre, la communication était donc compliquée. Aujourd’hui cette barrière semble en partie abolie. Un exemple très concret : il arrive désormais fréquemment qu’une personne en entretien d’embauche demande à l’entreprise ce qu’elle fait pour la planète, ou en matière de solidarité. C’est donc devenu un enjeu important pour les entreprises.

Une étude Ipsos avait révélé il y a quelques temps que ⅔ des étudiants aimeraient travailler dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, ce n’est pas rien ! Les DRH de leur côté revoient aussi la manière d’appréhender les parcours : aujourd’hui, on demande beaucoup aux salariés d’être adaptables, créatifs. Or, ce sont des traits que l’on peut tout à fait acquérir en association.

Les associations de leur côté se professionnalisent. Elles ont besoin de maîtriser l’ensemble des outils digitaux mais aussi de ré-inventer leur organisation pour attirer les actifs qui n’ont pas les mêmes disponibilités horaires. Ce sont vraiment des tendances fortes qui devraient encore progresser à l’avenir, notamment avec la sensibilisation de plus en plus forte liée au réchauffement climatiques, aux réfugié.e.s, … De plus en plus de personnes veulent savoir ce qu’elles peuvent faire à leur échelle pour améliorer la situation.

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