07 Déc La grande transformation du travail
Le Haut-Commissairiat au Plan a publié en octobre 2023 une note ayant pour titre « la grande transformation du travail ». Il me semblait donc intéressant de lire ces 68 pages en portant un regard attentif aux sujets que les lecteurs de notre blog connaissent bien : l’évolution du travail et des modes de fonctionnement des organisations induits par les outils digitaux.
Première constatation certains termes sont complètement absents de ces 68 pages. J’ai recherché par exemple le terme asynchrone qui est à mon sens un point clé pour que les entreprises arrivent à travailler à distance aussi dans le temps et plus seulement à distance dans l’espace. Sans surprise, le terme « asynchrone » est totalement absent de cette note de synthèse. Comme il s’agit d’un sujet un peu technique cette absence peut se comprendre. Mais comment expliquer par contre l’absence totale du mot « digital » . Nous constatons donc le même défaut que dans le livre blanc de l’ANACT sur la QVCT (Qualité de Vie et Conditions de Travail) dans lequel le digital n’est jamais cité non plus. Heureusement d’autres termes sont bien présents dans ce texte, et plus proches de nos préoccupations : numérique et télétravail. Mais comment sont-ils abordés ?
Numérique
Le numérique est présent 13 fois mais souvent simplement cité comme une des grandes transformations en cours dans notre société. Trois grandes transitions toujours entre parenthèse, mais pas toujours dans le même ordre : (climatique, démographique, numérique) ou (démographique, énergétique, numérique) …
Venant d’experts chargé de préparer l’avenir de la nation il me semble dommage de ne pas rentrer plus dans le détail. Un paragraphe tente de le faire. Assez scolaire, il fait référence à l’organisation scientifique du travail formalisée par Taylor en 1911. Cet extrait comprend tout de même une référence plus récente, mais hélas encore « anté-covid ».
Les sociologues du travail décrivent l’augmentation du travail répétitif et la perte d’autonomie comme un retour à une forme de taylorisme, cette « organisation scientifique du travail » définie en 1911 par l’Américain Frederick Taylor. Selon Laurent Baronian, les technologies numériques d’organisation du travail tendent à pousser à l’extrême les principes tayloristes : les tâches sont définies par des machines et relayées ensuite aux salariés, qui ont la charge de les exécuter sans les avoir conçues. Le contrôle ou le suivi exercé par des systèmes informatiques concernait 33 % des salariés en 2017, contre 15 % en 1994.
Un angle mort incroyable donc dans cette analyse. Aucun mot sur la façon dont les outils digitaux doivent permettre aux travailleurs d’accéder aux informations dont ils ont besoin et faire évoluer justement ces fameuses tâches pour imaginer d’autres façons de travailler ensemble ! Trello, Slack, Azendoo, Jamespot, Advanseez, Monday, Notion, Jalios…. La liste est longue des fournisseurs d’outils qui pourraient se sentir offensés par une réduction des outils numériques au seul contrôle des tâches répétitives !
Un autre paragraphe met en avant l’importance de la crise climatique par rapport à la transformation numérique.
Les aspirations des Français pour le sens au travail se sont accrues, à mesure que le travail était davantage perçu comme un lieu d’aliénation : cette perception concernait 49 % des actifs en 2006, mais 54 % en 2022. Le désir de sens s’exprime avec une force particulière chez les jeunes : 39 % des 17-38 ans considèrent « l’intérêt du poste » comme « très important » dans le travail, devant la rémunération (28 %). Parmi l’ensemble des salariés, 78 % se disent prêts à quitter leur emploi pour rejoindre une entreprise engagée dans la transition écologique. Si la transition numérique affecte le renouvellement des compétences et l’organisation du travail, c’est bien la crise climatique qui oriente, pour beaucoup de Français, la question du sens du travail et du modèle productif.
Je suis évidemment en phase avec l’importance accordée à la transition écologique mais elle doit aussi couvrir l’ensemble des facettes de la RSE ! Notons d’ailleurs sur ce point que le label QV2T proposé par LEDIAG commence à être utilisé comme label RSE, en complétement des labels comme EcoVadis qui se concentrent avant tout sur les processus sans donner assez d’importance au fonctionnement interne de l’organisation, à la qualité de vie au travail telle que perçue par les collaborateurs
Heureusement nous retrouvons page 43 deux points en phase avec notre approche mais qui ne sont pas plus développés alors que les vrais problématiques pour l’avenir du travail semblent bien se trouver autour de ces deux affirmations.
Le travail ne va pas disparaître mais il tend à se polariser entre tâches peu qualifiées et tâches très qualifiées.
La numérisation des tâches ne va pas conduire à la disparition du travail mais va le transformer
L’analyse des réponses aux milliers de diagnostics déjà enregistrés par LEDIAG montre que ce dernier point il reste encore beaucoup de chemin pour l’attitude des managers se transforment pour s’adapter à ces transformations numériques
Télétravail
Le terme de télétravail a un peu plus de succès avec 15 présences sur les 68 pages mais très souvent dans les notes bibliographiques de bas de page, fort nombreuses.
Voici un des passages sur le télétravail rassemblant quelques chiffres appelant à la réflexion.
Le sens d’une activité passe également par sa capacité à développer les compétences. Le désir de développer ses talents au travail est fort parmi les actifs français : 55 % disent vouloir évoluer au sein de leur entreprise vers un poste différent. Cette proportion varie selon l’âge : elle est de 69 % chez les moins de 34 ans et de 38 % chez les personnes de plus de 50 ans. L’évolution hors de l’entreprise concerne 26 % des actifs après 6 mois dans leur emploi, et 37 % d’entre eux au bout de 2 ans.
Ce passage peut, là aussi, être illustré par l’analyse des datas LEDIAG. Pour l’évolution en dehors de l’entreprise, les chiffres sont plus inquiétants de notre côté car seulement 33% des collaborateurs l’envisagent. Cela laisse supposer que 77% d’entre eux préféreraient partir ailleurs. Il s’agit de chiffres globaux bien entendu. Cela sera probablement différent dans votre organisation, surtout si vous prenez le temps de faire tourner notre diagnostic participatif et de mettre en place un plan d’action afin de développer les compétences et faire progresser les collaborateurs (différents points abordés par la dimension « TALENTS » de l’outil).
La note aborde aussi la disparition de la frontière entre les vies personnelles et professionnelles.
L’«envahissement de la vie personnelle» étant un facteur important de burn-out, le télétravail peut avoir un fort impact sur sa survenue. Pendant la crise sanitaire, 18 % des salariés ont déclaré avoir une charge de travail plus lourde, pour 24 % des télétravailleurs. 28 % des salariés ont déclaré connaître une hausse des troubles du sommeil, contre 38 % des télétravailleurs. Les syndromes dépressifs étaient également légèrement plus nombreux chez les télétravailleurs que pour l’ensemble des salariés. Les femmes sont particulièrement concernées par la difficulté d’ériger une barrière entre activité professionnelle et tâches domestiques : au cours des confinements de 2020 et 2021, elles ont été 30 % moins nombreuses que les hommes à disposer d’un espace de travail propre.
L’empiétement de la vie professionnelle sur la vie personnelle est effectivement un facteur de risques psychosociaux. Dans notre diagnostic, la question portant sur le droit à la déconnexion aborde cet aspect. Car, même en dehors des jours passés officiellement en télétravail, les mails qui arrivent en soirée, jours de fête ou au milieu de la nuit peuvent avoir un effet dévastateur si l’on se sent obligé d’y répondre dans l’instant. Dans l’ensemble il reste encore beaucoup de progrès à faire avec seulement 35% de personnes estimant ce droit respecté !
Un autre paragraphe aborde l’organisation du télétravail.
Le développement du télétravail doit donc être envisagé avec prudence, tant dans sa durée (plusieurs études empiriques identifient 2 à 3 jours par semaine comme la solution la plus productive) que dans son organisation (maintien d’un lien collectif, notamment par l’instauration d’«espaces de dialogue sur le travail» sous forme numérique).
Intéressant de noter que l’on y évoque enfin des espaces de dialogue sous forme numérique. Alors que, dans un paragraphe commenté plus haut, l’usage du numérique était beaucoup plus limité voire caricatural… Les données LEDIAG montrent que le nombre de jours de télétravail est en baisse continue depuis la fin des confinements. La moyenne sera donc bientôt en dessous de 2 à 3 jours par semaine. Le mot de prudence utilisé ici pour mettre en place le télétravail nous semble justifié par un peu timide. Il laisse entendre que le dirigeant va le faire prudemment mais en décidant de son côté. Or, une des questions présente dans le diagnostic est un vrai marqueur sur les 5 dimensions évaluées par l’outil. Selon que cette organisation du télétravail a été négociée ou imposée, la moyenne d’ensemble diffère de plusieurs points sur chaque dimension.
Si vous voulez en savoir plus sur cette note du Haut-Commissariat au plan, je vous propose de la télécharger via ce lien. Si vous êtes prêt à aller vers l’action notre diagnostic interactif peut vous aider à faciliter cette grande transformation du travail. Vous pouvez commencer par réaliser votre autodiagnostic mais c’est surtout son usage participatif qui vous permettra d’identifier les points forts et les axes de progrès de votre organisation.
La 5ième dimension - LeDIAG L'importance du DIGITAL
Posté à 20:48h, 06 janvier[…] sur le digital (voir d’ailleurs les billets sur le livre blanc de l’ANACT ou le rapport du Commissariat au Plan sur ce sujet). A l’opposé, j’oserais presque dire dans l’autre camp, la plupart des […]